HENRI ROUSSEAU est né à Laval en
1844.
Pendant plus de vingt ans de 1872 à
1893, il fut employé de l'Octroi de Paris
(l'octroi était une taxe
perçue à l'entrée d'une ville sur certaines denrées. Elle fut
supprimé en 1948),
ce qui lui a valut son surnom de DOUANIER ROUSSEAU, avant de se consacrer entièrement à la peinture.
Ses débuts mal documentés contribuent
à alimenter le mythe d'un peintre spontané.
«J'avais 42 ans quand j'ai touché un
pinceau pour la première fois» confessa t-il.
Très vite, il fut la cible de
moqueries des autres peintres de l'époque.Boudé des acheteurs et
des critiques, le temps a rendu justice à son art singulier (il est
exposé à présent dans les plus grands musées).
Le Douanier Rousseau est-il naïf ou
moderne?
ART RAIE se penche sur 5 œuvres pour
essayer de comprendre cet artiste.
Surpris! (1891) 130*162 |
Un tigre, ses yeux fixes comme
hallucinés, la gueule déformée par un rictus de terreur, semble
posé en équilibre sur la végétation!
Sa queue démesurée tel un serpent est
projetée entre les herbes hautes traduit l'impression de vitesse de
sa course.
La végétation couchée par le vent
est d'une grande richesse de couleurs.La richesse de la palette de
Rousseau pour décrire cette jungle imaginaire est admirable.Tout est
calculé pour obtenir un effet décoratif somptueux.
Les éclairs fendent le ciel et les
rideaux de pluie zébrant régulièrement toute la surface de la
toile traduisent la violence de l'orage.
Le peintre n'a pas inventé une telle
scène : il utilisait des chromolithographies et des photos
d'illustrations tirées de journaux populaires.Il ne quitta jamais
Paris.Sa jungle à lui était celle du Jardin des Plantes.
Son Tigre surpris par l'orage fait
l'effet d'un coup de tonnerre au salon des Indépendants de 1891.
Il
est la risée de tous.
A l'inverse des rieurs, Félix Valotton est
saisi par la force de la toile:
« Son tigre est à voir; c'est l'alpha et l'oméga de la peinture, et, si déconcertant que les
convictions les plus encrées s'arrêtent et hésitent devant tant de
suffisance et tant d’enfantine naïveté »
La Guerre (1894) 114*195 |
Exposé au Salon des Indépendants de
1894, ce tableau clame l'absurdité des conflits, de la cruauté des
hommes de pouvoir, de l'insatiabilité et de la lâcheté.
Il s'agit d'une allégorie. D'une idée
figurée par des images symboliques.
Le mal triomphant est représenté sous
la forme d'une harpie semant la mort et la désolation sur terre par
un glaive et par le feu.Sa chevelure hérissée, comme la crinière
de sa monture, exprime la sauvagerie à l'état pur.
Le personnage et le cheval courent
probablement du même galop volant, battant l'air de leur jambes.
Ils survolent un paysage ravagé, ou
gisent des blessés et des cadavres nus à l'exception d'un homme au
premier plan, qui regarde le spectateur.
De funestes corbeaux se repaissent déjà
de lambeaux de chairs.
La guerre ce mal qui consume notre part
d'humanité...un sujet hélas toujours d'actualité...
La Bohémienne Endormie (1897) 130*201 |
Le clair de lune diffuse une douce
lumière qui se reflète dans la crinière du lion et sur la robe de
la Bohémienne.
Le lion semble veiller ou flairer la
femme endormie tout en étant situé sur un plan plus éloigné.
Cette rencontre entre un lion et une
femme dans un désert aride est une énigme à déchiffrer.
S'agit-il
d'un rêve?
A chacun de s'inventer le dénouement
de cette scène...!
La Charmeuse de Serpents (1907) 169*189 |
La charmeuse de serpents exerce son
charme magnétique sur las animaux en jouant de la flûte.
Les serpents rampant au sol, entre les
branches es arbres et sur ses épaules même, semblent danser au son
de l'instrument, sous le regard d'une chouette et d'un oiseau
spatule.
Le sujet incarne un être immémorial
vivant en harmonie avec la nature.
L'épaisse jungle, ou se déroule la
scène, représente le monde vierge de l'enfance de l'humanité.
Rousseau comme Gauguin avant lui,
exprime dans cette peinture la nostalgie d'une terre, encore
préservée, riche de sensations oubliées.
Son exceptionnelle construction
asymétrique rend compte de sa maîtrise dans l'art de la
composition.
Les surfaces denses des feuillages et
des plantes, alternant avec des zones plus simples,
créent un effet de profondeur
inhabituel chez le peintre.
Portrait de Monsieur X (1910) 61*50 |
Les surprenants Portraits de Rousseau
illustrent d'une manière exemplaire comment il rendait l'ordinaire
«extraordinaire».
Le visage est décomposé, coupé en
deux par une ligne diagonale et on a du mal à voir s'il est
représenté de face ou de trois quarts.
Es ce un pas vers ce qu'on appellera
plus tard le cubisme?
La main est reliée à un bras rendu
invisible par la veste sombre, comme si elle était détachée du
corps.
A l'époque ce portrait a semblé si
bizarre qu'il a échoué chez un brocanteur!
D'une manière générale, les
portraits du Douanier sont pour le moins curieux.
Les détails ne sont pas logiques, la
taille des modèles est déconcertante (le corps des sujets occupe
presque toute la hauteur des tableaux).
Si faire des portraits était un moyen
de gagner de l'argent, il arrivait souvent que ses modèles ne se
reconnaissaient pas dans le résultat final! Au point de détruire le
tableau!
Rousseau s'accordait une grande liberté
de sa peinture. Refusant les principes admis par tous, les sujets
convenus et les pensées communes.
Si sa technique du trait était
maladroite et les proportions de ses sujets quelquefois déroutantes,
il était cependant un grand coloriste.
Le Douanier fut un artiste incompris
car inclassable.
Sa force est d'avoir créer un monde
unique: son monde.
Un univers personnel, magique, où hommes
et animaux se confondent. Un espace où la nature sauvage renvoie à la
complexité de l'âme humaine.